BOUGET JEAN ARRESTATION
PAR DES GENDARMES FRANCAIS
LE 22 MARS 1944
FORET DE BEFFOU EN LOGUIVY-PLOUGRAS




Jean BOUGET

Le porteur du Mandat chargé de son exécution devra se conformer aux art. 97, 98, 100 du Code d’Instruction criminelle.

MANDAT D’ARRET.

Nous, TURMEL.

Juge d’Instruction au Tribunal de Lannion, sur la réquisition de Monsieur le Procureur de la République.
Mandons et ordonnons à tous huissiers ou agents de la force publique de conduire à la Maison d’Arrêt de Lannion.
Mandons au Gardien de la dite Maison d’Arrêt de le recevoir en se conformant à la loi.
Le nommé BOUGET, Jean, 30 ans, garde chasse au service de Monsieur GUILLET, en forêt du Beffou.
Requérons tous dépositaires de la force publique de prêter main-forte pour l’exécution du présent mandat en cas de nécessité.
Donné à Lannion, le 17 Mars, Mil neuf cent 44.

Signé : TURMEL.

FAITS :
Complicité de menées terroristes.


Le 22 mars 1944, arrestation de Jean Bouget

Témoignage de Jean Bouget

J'avais préparé un camion de bois à sabot pour le Bon-Sauveur de Bégard. Un camion est venu chercher le chargement, ce fut un travail laborieux car les gars du camion étaient inexpérimentés. Il pleuvait ce jour là.
Vers 14 heures, je suis rentré à la maison, sachant que mon épouse Jeanne m'attendait.
En arrivant à proximité de la maison, j'ai vu deux gendarmes Français de la brigade de Loguivy-Plougras qui m'attendaient près de la maison, je les connaissais très bien, il s'agissait du chef Dabot et de Bescond.
M'adressant à eux je leur dis : "Bonjour, quel bon vent vous amène ?", j'avais avec eux de bonnes relations, car nous échangions parfois quelques informations utiles aux uns comme aux autres.
Le chef gendarme me répondit : "On vient vous voir pour payer les poteaux de fil à linge"
Etant surpris par cette réponse, à mon tour je leur dis : "Vous auriez pu payer à Jeanne".
Leur comportement me paraissait étrange, je compris rapidement quel était le motif exact de leur visite. En effet, l'un d'eux s'est mis à ma gauche et l'autre à ma droite, m'encadrant. Le chef alors me dit : "On vient vous arrêter, c'est un ordre de mission."
Et moi naïf de leur dire : "Je crois comprendre, que vous venez me prévenir de prendre mes dispositions."
Il me fut répondu : "Non, nous avons l'ordre de vous arrêter"
Il aurait été facile aux gendarmes de m'informer de l'ordre d'arrestation lancé à mon encontre et de me laisser le temps de filer, mais malheureusement pour moi, je suis tombé sur un gendarme qui n'avait pas l'esprit patriotique.
Ils sont rentrés sur mon invitation, dans la maison, voulant m'expliquer avec eux pour trouver une solution.
J'informais donc Jeanne de l'intention des deux gendarmes. Elles s'exclama en disant : "Ce n'est pas possible !"
Le chef gendarme essayant de prendre ses distances en répétant : "Ce n'est pas notre faute, mon pauv’ vieux !"
Je les ai invité à aller chez le Colonel Guillet, habitant à proximité.
Je suis rentré chez le Colonel, les gendarmes restant dehors.
J'ai informé le Colonel de ma situation, il a alors interpellé les deux gendarmes, en disant : "On va voir ça, je vais vous accompagner". J'ai signifié au Colonel sur mon intention de m'échapper par l'arrière de la maison, ce qui était facile pour moi, il a refusé, croyant certainement pouvoir résoudre le problème.
Je suis retourné à la maison pour changer mes vêtements, puis nous avons pris la direction de la brigade de gendarmerie de Loguivy-Plougras, située à l'époque sur la route de Plounévez-Moëdec, le Colonel et moi en voiture, les deux gendarmes qui suivaient en vélo. Là, on m'a passé en revue de détail : identité, contenu de mes poches...
Nous voilà partis tous les quatre avec la traction du Colonel, lui au volant, moi à ses côtés, les deux gendarmes à l'arrière du véhicule.
Arrivé à la gendarmerie de Lannion, l'on m'a mis dans une pièce, le Colonel est allé voir le Juge d'Instruction au Palais de Justice, à pieds, laissant sa voiture à la gendarmerie.
Un gendarme gradé, m'a demandé ce que je faisais là, je lui ai répondu que j'étais soupçonné de faire partie de la Résistance. Le gradé est allé à la fenêtre, m'a montré la voiture qui se trouvait dans la cour et m'a dit : "Cette voiture dérange, voulez-vous aller la mettre dans la rue."
J'ai bien compris, ce que cela signifiait, mais j'ai aussitôt pensé à Jeanne et mon petit garçon restés au Beffou, craignant pour eux, je suis revenu à la gendarmerie. J'ai bien senti, que le gradé pensait en lui-même : "Quel imbécile, il n'a rien compris."
Oh ! si, j’avais bien compris, et alors dans ces cas les idées passent rapidement dans la tête. Mais j’espérais que la démarche du Colonel aurait abouti et m’aurait permit de prendre mes dispositions, pour ma femme, Michel et moi-même.
Le Colonel est alors revenu de chez le Juge d'Instruction, il m'a déclaré ne rien pouvoir faire pour moi, mais que le Juge d'Instruction s'était engagé à ce que je sois emprisonné avec un régime de faveur. "
J’ai donc été conduit à la maison d'arrêt de Lannion, près de l’actuelle chapelle des Ursulines et placé dans le service des prisonniers de droit commun où se trouvait également un gars de Morlaix, blessé à l’aine d’une balle. Ce gars a été transféré ailleurs 2 ou 3 jours plus tard.
Le 8 mai 1944, un groupe de 9 FTP de la compagnie Tito tente de libérer Jean Bouget de la maison d'arrêt de Lannion, les gardiens contraints d'ouvrir les portes des cellules "oublièrent volontairement" d'ouvrir celle de Jean Bouget. Les 9 FTP s'enfuirent en délivrant malgré tout 7 autres prisonniers Résistants FTP dont 3 femmes parmi elles Augustine Thomas épouse Jouannet qui tenait un restaurant au Joncourt à l'entrée de la forêt de Beffou et de sa jeune employée Eulalie Marjoet que Jean Bouget connaissait bien.


en savoir plus sur cette exfiltration

BOUGET Jean
Né le 1er mars 1914 à Kerlu en Pédernec, époux de Jeanne Briand, un enfant, garde foretier particulier du colonel Guillet propriétaire de la forêt de Beffou en Loguivy-Plougras, y demeurant, FTP.

Le 22 juillet 1944, dirigé vers le camp Royalieu de Compiègne (Oise).quelques jours avant la Libération de la Bretagne.
Le 17 août 1944, embarqué dans un train à destination de l'Allemagne quelques jours avant la Libération de Paris.
Le 21 août 1944, arrivée au camp de concentration de Buchenwald (Allemagne)..
Le 1er avril 1945, après une marche exténuante de plusieurs jours, abandonné par les SS en déroute à Lippstad.
Le 27 avril 1945, de retour dans sa famille à Loguivy-Plougras.
Le 17 décembre 2002, Jean Bouget décède à Pédernec.

Sources : Jean Bouget.